Négatif (*)

Ce projet explore divers défis auxquels font face des communautés, issues du proche orient, dans les pays d'accueil et d'asile, c’est à dire un nouvel environnement culturel, social, économique et géographique. Parmi ces défis, il y a ceux qui sont liés à la mémoire, à l'identité et à l'appartenance. L'un des aspects les plus difficiles pour l'individu oriental, lorsqu'il se trouve en Occident, est le changement forcé de l'image qu'il porte en lui de son passé, de ses valeurs, de son patrimoine. Cette transformation, perçue obligatoire, engendre souvent une sorte de compréhension limitée des valeurs humaines, contemporaines et culturelles du nouvel environnement.

Le projet « Négatif » vise à transformer des photographies en œuvres d'art, en mettant particulièrement l'accent sur les photos en noir et blanc, avec tout ce qu'elles représentent en termes de souvenirs et de nostalgie, puisant leur valeur du temps capturé dans l'image. Elles portent en leur matérialité physique des valeurs émotionnelles, culturelles, historiques et documentaires, résultant du passage de nombreuses année.

Ce projet utilise des photos prises dans des géographies contrastées, locales (syriennes) et occidentales (allemandes), cherchant à mélanger ces mémoires, photographiées, pour en créer une nouvelle substance. Cette création intensifie deux périodes dans une perspective de mémoire commune.
Ces deux ensembles de photographies (local - occidental) invitent à mélanger deux identités pour en créer quelque une nouvelle et pour rechercher une harmonie pouvant répondre à des questionnements contemporains (dont celui de l'identité) que les communautés orientales évoquent, implicitement, dans un environnement occidental.

La réalisation de ce projet artistique a impliqué la collecte de photographies de différentes régions de Syrie et, en parallèle, la collecte d'un autre ensemble de photos à Berlin. Le projet a été mis en œuvre en plusieurs étapes, impliquant le déchirement, le mélange et la recomposition des photographies locales et occidentales. Pour cela la pâte de papier moulu a été adoptée comme médium. Ensuite, cette matière première malléable a été utilisée pour créer des œuvres d'art en papier, selon la méthode traditionnelle chinoise de fabrication du papier.
Certaines œuvres ont également impliqué l'extraction et la découpe des personnages et des formes humaines de leur contexte géographique, tel qu’il est présenté dans la photographie (c'est-à-dire les arracher de leur époque et de leur lieu d'origine), puis les replanter dans un autre cadre géographique, pour les réinventer et les reconfigurer dans une vision artistique.

Le processus de transformation physique des photographies (papier renforcé) pendant la création artistique (déchirement, broyage, brûlage, par exemple) constitue une représentation métaphorique de l'accouchement difficile et douloureux du changement violent qui affecte l'individu dans sa nouvelle réalité géographique.

La greffe et la fusion réciproque entre les photographies appartenant à deux mondes et deux géographies différents ne sont rien de plus qu'une tentative pour retrouver un nouveau monde plus équilibré et plus harmonieux.

Abdulkarim Magdal Al Beik

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(*) Le projet a obtenu le soutien d'Ettijahat - Independent Culture