ISBN 2-909285-62-6 - 74 pages - prix 14 euros
© 2009 Europia Productions
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Jean-Marie Mignon
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Cerfs-volants blancs
C'est un livre aux multiples voyages que nous propose Jean-Marie Mignon. Il y a celui qu'il effectue sur cette terre où la guerre est là au quotidien, en Palestine occupée et la violence qui l'accompagne. Il y a ceux auxquels nous invitent toutes ces rencontres qu'il fait et dont il témoigne avec beaucoup de justesse et d'attention, que ce soit à Jérusalem, Hébron, Naplouse, Ramallah ou encore à Bil'in. Des voyages dans des temps de la vie de chacun de ces hommes et de ces femmes marqués au plus profond d'eux-mêmes et qui lui disent avec des mots si simples la douleur qui les mine mais aussi l'espoir qui les fait vivre. Il y a celui que l'auteur fait lui-même au cœur de ces rencontres alliant ses propres émotions et la rigueur qui lui importe de mettre sur le fil de l'écriture les mots des autres qui lui sont adressés. Un fil qui, page après page, donne une grande force à la place et à la vie des « cerfs-volants blancs ». |
Note de lecture proposée par Rania SAMARA
Parti en Palestine dans le cadre d’une mission de la Campagne civile pour la protection du peuple palestinien (CCIPPP), Jean-Marie Mignon va à la rencontre des Palestiniens à Jérusalem, à Hébron, à Ramallah, à Naplouse et à Bil’in.
Cette chronique personnelle, intelligente et sensible, commence de manière frappante : le rêve de la création d’Israël, la vie idéalisée dans les kibboutzim, les promesses des matins neufs et lumineux n’ont pas tardé à révéler une autre face cachée que les Européens avaient refusé de voir jusqu’à ces dernières années : des hommes, des familles vivaient ici et travaillaient déjà cette même terre. Elle leur a été ravie de manière insidieuse, brutale et légalisée. L’utopie des uns s’est muée en prédation brutale qui semble ne pas vouloir s’achever envers les autres, mettant cette terre sainte à feu et à sang depuis plus de soixante ans.
Dès son arrivée jusqu’à l’heure de son départ, le narrateur observe et décrit avec lucidité la vie dure et pénible - mais aussi digne et fière - des Palestiniens de Palestine. Son imaginaire culturel, nourri de la Bible, de l’Evangile, des livres d’histoire et des récits de voyages, semble être remis en question, tant il se trouve en contradiction avec la réalité.
Au cours de ce voyage initiatique, il fait la connaissance de Malek, Djawad, Adel, Asma, Béchir, Ajman, Zouhour, Khitam et Nihad qui lui racontent leurs vies, leurs difficultés et leurs peines, leurs espoirs et leurs joies. Par le biais de tous leurs récits entrecroisés, par le témoignage des « internationaux » qui viennent soutenir les Palestiniens, l’auteur/narrateur parvient à esquisser la géographie sociale de la Palestine au gré des évènements et des conflits.
De prime abord, le texte semble décrire de manière objective le voyage d’observation du « je » initial qui adopte une écriture blanche, volontairement neutre et plate en utilisant le présent actuel, qui n’en est pas moins permanent et éternel, dans des phrases courtes et sans fioritures, mais qui possèdent néanmoins une charge affective indéniable. A fleur de peau et en filigrane sous l’apparente simplicité de la structure, chaque mot, verbe, adverbe ou adjectif éclate de sensibilité et de poésie, véhiculant toute l’émotion retenue de l’auteur, reflétant comme dans un miroir la dignité poignante de ses hôtes palestiniens.
Voici quelques exemples glanés au fil des pages qui en disent long sur la finesse de l’analyse et sur les qualités stylistiques de ce court et intense témoignage :
- (Les touristes et les pèlerins) : Eux, ces voyageurs de passage, qui raconteraient à leur retour comment ils ont « fait » Jérusalem dans une cité qui se défait, que savent-ils de la réduction progressive des droits d’y habiter qui est imposé aux Arabes, des libertés de voyager et de commercer bridées, des propriétés escamotées, des rapports de force dans lesquels sont contraints les Palestiniens. Mais souhaitent-ils en savoir quelque chose ? (p.15)
- (Le mur) : C’est une énorme couleuvre gris clair, fascinante dans sa géante obscénité, qui ne montre ni sa tête ni sa queue, qui vient de l’horizon et qui part à l’horizon. Elle glisse sur les pentes, se love, ondule, avance en creusant un sillon de terre retournée. (p.33)
- (Les check points) : Je me demande si l’armée n’utilise pas les check points comme un mode de bizutage de la jeunesse israélienne, une façon de l’endurcir ? Le passage sous les drapeaux ne doit-il pas s’exercer obligatoirement, quelque temps, là, dans ces lieux où la faiblesse, la dépendance des Palestiniens sont exhibées ? (p.61)
- (L’eau) : Pour plus des trois-quarts qui sont puisés, elle part en Israël et dans les colonies. La compagnie nationale israélienne qui distribue l’eau en pays occupé la vend aux Palestiniens presque trois fois plus cher qu’aux colons. Malheur aux vaincus ! L’eau souterraine, pompée par l’occupant – les Palestiniens n’ont pas le droit de forer des puits – s’épuise lentement et irréversiblement. Combien de temps reste-t-il avant que le puits de Jacob ne soit tari ? (p. 65)
- (La démolition des maisons) : Là était la maison. Elle a été arasée. Le sol qui la portait a été aplani par les bulldozers. Les gravats, les tôles, les débris de meubles ont été amoncelés à droite et à gauche. /…/ Je suis planté là, témoin inutile, quasiment voyeur. Eux ont les yeux grands ouverts, éteints, figés vers un infini horizon qui ne montre rien. (p.67)
Ce beau récit de voyage est d’une telle densité qu’il faudrait le lire à deux ou trois reprises pour pouvoir s’imprégner de toute la sensibilité, l’émotion, la délicatesse et l’intelligence qui baignent ses pages et qui témoignent des qualités littéraires indéniables dont jouit l’écrivain.
Critique : Patrick Graille (Professeur de littérature)
Avec /Cerfs-volants blancs/ (éd. Europia, 2009), Jean-Marie Mignon offre un éclairage inédit et singulier sur le conflit fratricide le plus ancien du monde entre israéliens et palestiniens. Loin des thèses /pro/ ou /contra/, du sempiternel /fatum/, des lieux communs journalistiques et politiques, des émotions circonstancielles, ce récit de voyage, concis et précis, documenté et poétique, présente une série de regards sans préjugé ni concession sur le quotidien des palestiniens, au sein de territoires saturés d’histoires anciennes et modernes. De Jérusalem, Hébron, Ramallah, Naplouse, ou Bil’in, l’auteur décrit la beauté des paysages, les édifices mythiques, la pesanteur de certaines atmosphères, les furtives et fructueuses rencontres. Finement, il restitue les témoignages de femmes et d’hommes spoliés, tourmentés, humiliés, abattus, comme ces maisons rasées par l’armée israélienne, mais aussi remplis d’espoir, de bonne volonté, luttant, autant que faire se peut, contre la violence et l’arbitraire, les navrantes pantomimes de la communauté internationale. Entre prisons à ciel ouvert et geôles politiques, l’image d’un peuple éprouvé et infortuné, digne et chaleureux, s’esquisse. Tandis que les fraternels cerfs-volants des enfants survolent les terres accaparées et plombées, défiant les murs de séparation et de lamentation, tous les /check points/ imaginables. En signe de paix, de liberté et d’égalité à venir.
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